Sortie en Novembre dans 100 salles parisienne d'un film avec Romy inédit car pas terminé....
L'enfer avec Romy SchneiderPartager
L'Enfer» de Clouzot : quel enfer !
Source : Le soir.be - 29 juin 2009
Présenté au Festival bolognais Il Cinema ritrovato, la Mecque de la cinéphilie et de la restauration de classiques, placée sous le parrainage de Martin Scorsese, L'enfer d'Henri-Georges Clouzot, réalisé par Serge Bromberg, est un événement pour l'histoire du Septième art. Un document exceptionnel, qui revient sur l'incroyable aventure de ce qui aurait dû être le film le plus fou et le plus ambitieux de Clouzot.
BOLOGNE (Italie) - DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
En 1964, Clouzot est un homme en plein bouleversement. Dévasté par la mort de sa femme Véra, rangé par les jeunes auteurs de la Nouvelle Vague parmi les monuments du passé, défié par l'inventivité folle du "Huit et demi" de Fellini, l'auteur du Salaire de la peur est courtisé par Hollywood. La Columbia lui offre un contrat vertigineux : budget illimité et les pleins pouvoirs… sans même lui imposer la présence contraignante d'un producteur.
Un rêve ? Plutôt un piège. Car sur le tournage, Clouzot va très vite se perdre. En entamant des recherches esthétiques, tant sur le plan sonore que visuel, qui sont en tous points passionnantes mais qui vont éloigner le cinéaste et de son sujet, et de ses acteurs.
Le sujet, c'est la jalousie. Mais c'est surtout, confesse Clouzot dans les documents d'archives où on nous le restitue, le labyrinthe des obsessions, qui vont peu à peu dévorer un homme (Serge Reggiani) marié à une très jolie femme (Romy Schneider).
Les images d'archives des rushes du tournage sont hallucinantes. On y découvre un film tantôt en noir et blanc, d'une facture classique, évoquant la réalité du couple, tantôt en couleurs et presque psychédélique. Il s'agit alors de la représentation fantasmée, paranoïaque, distordue du délire de jalousie qui saisit Reggiani. Ce qui nous vaut des images folles : Romy nue, pieds et mains liées, sur une voie ferrée où déboule un train ; des femmes – dont Romy, toujours – alanguies, aux lèvres bleues, prêtes à s'offrir à la débauche ; des « coïts optiques », résultant d'effets visuels spéciaux ; des jeux de miroirs déformant ; des recherches cinétiques et chromatiques…
D'une beauté désarmante, Romy apparaît dans les images sauvées comme un objet de désir aussi trouble que silencieux. On ne l'entendra pas. A l'inverse de Reggiani, qui parle, entend des voix, est harcelé par un flux ininterrompu de sons, chuchotements ou cris dans la tête. Et là aussi, le montage sonore, souligné par une bande sonore électro-acoustique que signe Gilbert Amy, est d'une créativité stupéfiante. En somme, "L'Enfer" tel qu'on nous le donne à voir, ce n'est plus un film : c'est un laboratoire.
Livré à l'ivresse d'un pouvoir sans limite, qui lui aura peut-être porté le coup fatal, Clouzot est bientôt rattrapé par ses propres obsessions. Méfiant, nerveux, maniaque, insaisissable, il sombre dans des insomnies, harcèle un entourage corvéable à merci. Bref, le tournage vire à la poudrière.
D'autant qu'avec les acteurs, la tension tourne bientôt à la guerre. Entre lui et Romy Schneider, ce ne sont bientôt plus qu'affrontements de cris. Quant à Reggiani, d'abord ricaneur et sur ses gardes, il ne supporte plus ce tyran. Epuisé psychiquement autant que physiquement, Reggiani quitte le film après trois semaines de tournage. On fait alors appel d'urgence à Jean-Louis Trintignant. Qui partira à son tour après quelques jours, sans avoir joué la moindre scène. Clouzot s'accroche encore. Mais un jour, alors qu'il filme une scène d'hallucination (Romy en compagnie saphique), le réalisateur s'effondre. Victime d'un infarctus. Il s'en relèvera plus tard. Pas "L'Enfer", immense gâchis et film dès lors mort-né… que Claude Chabrol réalisera plus tard mais sans le génie auquel prétendait Clouzot.