C’est avec un humour parfois caustique et un très joli brin de plume que l’auteur de « La Cage aux folles » et « Mon Oncle Benjamin » s’est livré à l’exercice de l’autobiographie. Son livre se lit avec passion, comme le roman d’une existence heureuse faite de rencontres passionnantes par un rigolo qui pourtant… ne rit jamais.
Par Franck Bortelle
Molinaro ? Ce nom évoque-t-il encore quelque chose au public ? Dans le panthéon des cinéastes cultes, il n’a pas et n’aura probablement jamais sa place. Son nom s’efface de la mémoire. Pas ses films. Et puis Molinaro n’est pas de cette génération de cinéastes dont on connaît le visage. Certes il a fait de la télévision. Comme réalisateur, pas comme invité pour vendre sa marchandise. Cette discrétion d’un autre temps se lit à livre ouvert dans cette autobiographie passionnante.
Il ne se prend pas au sérieux, Edouard Molinaro. Ce qui lui permet une totale sincérité. Par rapport à ceux qu’il a aimés, bien sûr, mais aussi les autres, ceux avec lesquels les choses ont mal tourné sur les tournages (De Funès par exemple, ce que confirme par ailleurs Bertrand Dicale dans sa récente biographie sur le comédien). D’une modestie sans pareille, cet humble serviteur de ce « jeu pour enfants attardés, plus heureux dans l’imaginaire que dans le quotidien » ainsi qu’il définit le cinéma, a jeté un peu comme ils lui venaient ses souvenirs, comme il s’en explique dans une préface drôlissime. Et l’on ne s’étonnera guère de trouver très haut dans son estime Jacques Brel, auquel il rend un splendide hommage, ou Alphonse Boudard. De toute évidence, ces trois-là sont de la même trempe, celle-là qui fait avant tout des hommes avant d’en faire des cinéastes, des auteurs ou des comédiens.
Sur un plateau, Molinaro n’est de toute évidence un tyran à la Clouzot. Toujours conciliant, il voue à ses comédiens un vrai respect même s’il n’hésite pas à accorder à certains et à juste titre un ego démesuré. Toutes les générations d’acteurs qui sont passés devant sa caméra lui laissent un souvenir, une anecdote, d’Annie Girardot à Jocelyn Quivrin, de Fabrice Luchini à Mireille Darc, du couple Auteuil/Béart à Michel Piccoli.
On se régalera dans ces souvenirs d’une myriade d’anecdotes que ce sympathique artisan a bien voulu réunir. Sa timidité face à Michèle Morgan, sa rencontre avec François Mitterrand ou comment il devint pour quelques kilomètres le chauffeur de Jacques Chirac, son travail de cinéaste avec des assistants nommés Claude Sautet, Alain Cavalier, Jean-Paul Rappeneau. Mais aussi Boris Vian, Jean-Pierre Cassel, Brigitte Bardot, Claude et François Mauriac, Cocteau, Anouilh…
Ne cherchant jamais à édifier un vademecum du parfait faiseur de films, il mêle sa vie professionnelle et ce qu’il veut bien arracher de son jardin secret (quelques belles plantes, en tout cas…). Il nous livre tout ça avec bonhomie, dans un style joliment imagé avec la dérision comme fil conducteur. Sans toutefois se départir d’un constat d’une parfaite lucidité sur le monde et particulièrement celui du cinéma et de la télé. Passionnant !
A noter…
Edouard Molinaro, « Intérieur soir »
Paru le 05 novembre 2009 aux Editions Anne Carrière
306 pages, 19,50