L' «ours» est entré dans Paris DDM
A Paris, le restaurant s'appele Chez nous. Mais les rugbymen tarbais l'ont baptisé Le Stado. Parce que làbas, ils sont chez eux. Ils ne sont pas les seuls.
Comme Lino Ventura avait besoin d'argent pour construire sa maison, il en a emprunté à son ami Georges Brassens.
Tandis que les deux hommes déjeunaient au restaurant, l'acteur voulut faire un chèque de reconnaissance au poète, qui s'étonna : «Que fais-tu ? Tu penses que je n'ai pas confiance en toi ?» — «C'est pas ça. Mais tu comprends si, entre-temps, il m'arrivait quelque chose...
— S'il t'arrivait quelque chose, tu crois que c'est l'argent qui me manquerait ?» De jour en jour, de table en table, l'anecdote refleurit aux beaux jours, au milieu d'un bouquet impérissable qui, depuis trente ans, fait l'histoire du restaurant de Gilbert Ghirardi.
Louis Nucéra vient toujours l'arroser. Lui, l'écrivain du soleil, qui connaît les origines tarbaises de son hôte : «Le bon Théophile avait raison. Parler d'amitié relève, à l'évidence, du lieu commun. Au Stado, il brille de tous ses feux.» Nucéra sait que Théophile Gauthier était tarbais et que Gilbert Ghirardi est né à Oursbelille. Il sait aussi que le surnom de «Stado» est sorti un jour d'une joyeuse mêlée.
Le premier Tarbais à avoir trouvé son antre dans l'établissement n'est autre que Georges Michel, capitaine de l'équipe champion de France en 1973.
Ensuite, tout s'est enchaîné à la vitesse d'une attaque au grand large. Et en 1988, la préfecture de la ville lumière bloquait même les accès de la rue SaintHonoré pour mieux permettre à la fête de célébrer les finalistes de 1988.
Des histoires comme ça, Le Stado en a plein sa carte. Parce que, depuis trente ans, Gilbert Ghirardi a su faire monter la sauce. Sa spécialité. Lui, l'apprenti cuisinier du Savoie qui quitta Oursbelille pour embrasser la capitale et des fourneaux aussi prestigieux que ceux du Maurice, du Prince de Galles ou de La Tour d'argent. Chef saucier à 20-ans, lors de l'Exposition universelle de 1967 à Montréal, en compagnie de Raymond Oliver, Gilbert Ghirardi devait définitivement poser sa toque à Paris pour reprendre l'enseigne Chez nous.
Cela fait maintenant trente ans qu'il est ici chez lui, en compagnie des futurs patrons Philippe et Gino, les fistons, dont le dernier est en train d'enregistrer un disque aux accents espagnols. Parce qu'au Stado, monde du spectacle et d'ovalie jouent le même registre dans un cocktail alliant simplicité du terroir et soupçon de show-bizz, Patrick Sébastien et Jean Dupond, magret aux morilles et madiran à bonne température.
«C'est vrai que maintenant, je suis parisien, avoue celui qui n'a pourtant pas oublié Tarbes et le Stado. Le président Ducasa est venu la dernière fois, je lui ai fait un chèque de 3.000-F et j'ai l'intention de monter une association, à Paris, de soutien au club.» C'est pourquoi l'autre patron du Stado devrait être, aujourd'hui, dans la tribune de Trélut à l'occasion du derby contre Bagnères-de-Bigorre. Invité par le quinze de l' «ours», là aussi il sera chez lui. En attendant de retrouver les maillots accrochés au-dessus d'un comptoir de la rue SaintHonoré et les bouchons de champagne qui, chaque année, s'envolent en l'honneur des noces éternelles entre Georges Brassens et la camarde. Qui, de toutes façons, s'envolent chaque fois qu'une occasion de célébrer la vie pousse la porte de Chez nous.
[NOTE] ______ Restaurant Chez nous, dit «Le Stado», 150, rue Saint-Honoré, 75001-Paris, tél.-01.42.60.29.75.
Source: Ladepeche.fr