Son acteur de père a légué à Clelia Ventura le goût de la cuisine et des tablées de copains. Fin gourmet et cordon bleu, elle a fondé à Saint-Jean-de-Luz sa propre maison d'éditions « Barnea » à la gloire des cultures du terroir.
Lasse de Paris, Clelia Ventura décida de s'établir à Saint-Jean-de-Luz en 2009. « Je suis tombée amoureuse du Pays basque il y a quinze ans puis j'y suis revenue en vacances. J'ai rencontré une authenticité à nulle autre pareille. Ici, je suis loin du show-biz et du bling-bling. A près de 50 ans, c'était maintenant ou jamais. Si j'avais su, j'aurais fait la bascule beaucoup plus tôt...» avoue-t-elle.
Benjamine des quatre enfants de Lino et Odette Ventura, Clelia savait les liens puissants de son père avec les Pyrénées-Atlantiques où, en 1988, l'acteur créa avec Jean Salet, l'association Perce-Neige Pyrénées et une résidence pour adultes handicapés mentaux. « Je n'y suis jamais allée mais je compte bien le faire dès que possible » promet Clelia qui, dix-huit ans durant, vécut en osmose avec Linda, sa soeur trisomique. « Pour moi, elle est un vrai radar. Elle ne va pas vers les gens qui ne sont pas bons. Elle a gardé sa pureté d'âme ».
L'image du père révéré
Rude au dehors mais tout en sensibilité ailleurs, Lino Ventura arborait « un physique de brute avec un regard d'enfant ». Volubile mais pudique, il n'était pas de ces géniteurs démonstratifs sauf avec « Nanouche » alias Linda, « celle à qui il montrait toute son affection et qu'à table, il plaçait toujours à sa gauche ». Vis-à-vis de la différence, les mentalités ont évolué « après l'appel lancé par papa en 1965 pour promouvoir la cause de l'enfance inadaptée ». La première maison d'accueil verra le jour à Sèvres (Hauts-de-Seine) en 1982.
Souvent absent pour cause de tournage où l'accompagnait son épouse Odette, l'artiste appréciait les parenthèses d'intimité à Saint-Cloud, l'ancrage des Ventura.
« J'ai plein de souvenirs joyeux sauf quand il préparait des films. Il s'y prenait comme un boxeur avant de monter sur le ring. Assailli de doutes, il mourait de peur de rater. L'endroit où il travaillait, nous l'appelions « la chambre des tortures ». Banni des discussions familiales, le cinéma faisait place au rugby, au football, au tennis.
« Il était très mauvais perdant. Il me désignait arbitre mais je n'avais pas intérêt à le contrarier ». « Une année, Louison Bobet lui avait offert un vélo. Il était parti faire une boucle avec des cyclistes plus chevronnés qui, le voyant peiner, le laissèrent passer devant pour être sûrs de manger à midi. Lui a toujours cru qu'il les avait battus à la régulière...» pouffe-t-elle.
Autodidacte, Lino Ventura n'a pas persécuté sa progéniture. « Tout ce qu'il voulait, c'était qu'on ait le bac mais il refusait qu'on fasse son métier. Nous étions des enfants obéissants. J'ai bravé une fois son autorité pour aller travailler dans le 7e Art aux Etats-Unis. Il est mort peu après, le 22 octobre 1987. J'ai abandonné mon projet ».
« Son marmiton attitré »
Longtemps attachée de presse au service de l'événementiel, Clelia Ventura révère le père, cet être carré « à la droiture exemplaire et à l'âme de gosse ». Le tendre portrait qu'elle lui consacre sur Arte, en 1997 à l'occasion du Xe anniversaire de sa mort, battra les records d'audience de Théma. Le documentaire lui vaut le Prix du Comité français de l'Audiovisuel.
Commensal de haut rang, Lino Ventura a transmis à sa fille le sens de la bonne chère. « J'étais son marmiton attitré. Je l'assistais en cuisine. Ses pâtes aux truffes et sa selle d'agneau étaient de renommée internationale ! J'ai des souvenirs de tablées de 18 convives et d'un coffre de voiture rempli de victuailles qu'il allait lui-même acheter ».
Dans la lignée du gastronome éclairé, Clelia expérimente aujourd'hui ses propres recettes avec la complicité de Anne Lefeuvre, une amie basque, productrice de piment d'Espelette, l'épice reine d'un premier ouvrage culinaire à quatre mains. Pimpant, gai, ce recueil ressemble à leurs auteurs, deux filles sans artifices, animées de l'amour et du respect des cultures et terroirs du grand sud-ouest.
===> Ligne de vie
Née le 2 juillet 1961 à Paris. 3 enfants, 1 petit-fils.
Etudes : baccalauréat, formation aux relations internationales.
Carrière : Attachée de presse, conceptrice-réalisatrice dans l'événementiel, elle a signé pour Arte un documentaire-hommage « Ventura dit Lino » (1997). Auteur de « Lino tout simplement » (2003), « Lino Ventura : une leçon de vie » (2004) et « Signé Lino Ventura » (2007), elle a ouvert, en avril 2011 à Saint-Jean-de-Luz, la maison d'éditions et de productions « Barnea » et co-écrit avec Anne Lefeuvre « Le piment d'Espelette, de la corde à la poudre, recettes et astuces » (56p. 12,50€).
Merci Léonetti pour le lien!